Marc Pautrel, Léternel printemps, Folio, 12,25$

Voici un court récit (105 pages) aussi dense qu’envoûtant. Écrit au «Je» de la narration, il raconte une rencontre entre un homme et une femme de dix ans son aînée. Libres l’un et l’autre, ils se voient, se rencontrent et se parlent dans un univers qui cherche ses frontières entre l’amour et l’amitié. Pas d’autre suspense, pas d’autre action ici que cet oscillement subtil dans le monde des sentiments. 

«L’écouter parler est une volupté continue», écrit le narrateur. Le lecteur de même pourra ressentir la même sensation en lisant ces pages qui se lisent comme une véritable leçon d’écriture qui célèbre, entre autres choses, un don d’observation rare chez l’écrivain qui n’est nul autre que le narrateur. 

Marc Pautrel pourrait nous rappeler le charme d’écrivains comme Christian Bobin ou Philippe Delerm, quant à l’art de la brièveté. Il me rappelle, quant à moi, Frédéric Berthet, cet extraordinaire écrivain trop tôt disparu qui partage avec Pautrel cet amour de la littérature habité par la grâce. 

C’est tout ce que je souhaite au lecteur : la grâce de découvrir, comme je viens de le faire, un nouvel auteur dont il me presse de découvrir les autres livres. 

 

Joseph Ponthus, À la ligne, Folio, 14,50$

L’histoire est simple et vraie : un homme suit sa femme dans une petite ville de province où il ne retrouve pas l’emploi qu’il occupait à Paris. Il s’inscrit alors à une agence d’intérim qui l’enverra travailler dans une usine de poisson, tout d’abord, puis dans un abattoir. À la ligne raconte sa vie dans ce milieu ouvrier que ses études supérieures ne laissaient pas entrevoir. À la ligne raconte, de façon aussi télégraphique que poétique, la vie quotidienne d’un ouvrier dans son labeur, ses joies, ses rencontres, ses humiliations et ses injustices. 

À la ligne, c’est l’enfer de la ligne de production d’une usine, et c’est le paradis de la ligne d’écriture où les mots subliment la souffrance. Aucun signe de ponctuation tout au long de ce récit, mais ça se lit aussi facilement qu’on avalerait un petit verre de blanc au comptoir d’un café. 
Un livre extraordinaire – un formidable coup de poing à l’estomac – qui ne m’aura laissé qu’un seul regret : Joseph Ponthus est mort à quarante-deux ans, peu après la publication du récit. Je ne pourrai donc jamais lire d’autres livres de lui.