Semaine du 23 mars – Des livres sur les livres
Jean-Claude Zylberstein, Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires, Christian Bourgois, 23,95$
Lire les mémoires de Jean-Claude Zylberstein, c’est plonger dans le monde de l’édition française de la seconde moitié du XXe siècle – mon époque, somme toute. Il a croisé tout le monde, mais on lui doit surtout la découverte d’auteurs étrangers importants, tels Jim Harrison, John Fante, Vazquez Montalban, Primo Levi et… Walter Benjamin, tandis que notre homme rencontre Jean Paulhan et Dominique Aury (Histoire d’O.), sans oublier Françoise Sagan ou Salman Rushdie pour lesquels il sera appelé à plaider leur cause, car outre ses activités éditoriales, Jean-Claude Zylberstein s’est illustré dans la défense du droit d’auteur.
« Chaque fois que j’entre dans une librairie, je me sens un peu mieux que l’instant d’avant. J’éprouve une sorte de réconfort comme si j’étais soudain à l’abri de tout : de la bêtise, de la laideur, de l’ignorance. » (p.374). Pour ses seuls mots et pour bien d’autres encore, c’est une joie de lire ces mémoires qui nous font aimer les livres.
Mérédith Le Dez, Un libraire, Philippe Rey, 29,95$
Voilà un superbe témoignage, une véritable lettre d’amour, adressé à Jacques Allano, un libraire breton, aujourd’hui disparu (« disparu, mais pas absent », pour pasticher l’exergue d’Alice Ferney qui figure, page 104). Un amoureux des livres, tendre et secret qui, après avoir pris sa retraite, avait raccroché, faute de relève, et ce jusqu’à ce que la désormais célèbre « pandémie » (comme s’il n’y en avait jamais eu qu’une) ait raison de lui et de son commerce. C’est alors qu’il choisit d’en finir en se suicidant.
Mérédith Le Dez est une écrivaine qui aura eu la chance de le connaître et même de travailler avec lui, dans la dernière année de sa vie. Tout le livre est construit comme une série de lettres adressées au libraire et les images qui se dessinent forment un portrait de l’homme et de la femme qui écrit. Ce livre est, au-delà de l’hommage, un texte aussi subjectif que personnel qui résonne des échos de la poésie que Jacques Allano a su traduire à travers ses silences, ses retenues et son attention à sa clientèle de lecteurs. Qu’est-ce qu’un libraire sinon un passeur? Un habitant de l’ombre qui voit la lumière aussi bien que les ténèbres.
Collectif (sous la direction de Stéphanie Khayat), La bibliothèque des écrivains, Flammarion, 29.95$
Trente-quatre écrivains nous dévoilent le livre (ou plus souvent, les livres) qui ont marqué leur vie – ou pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage, « le livre qui a changé leur vie ». Changé, oui, pour certains, mais parfois plus simplement, accompagné, agrémenté, contenté, comblé, consolé, apaisé, enflammé ou soulagé, ébranlé, inspiré ou exalté leur vie – on pourrait continuer longtemps à décliner les effets d’un bon livre.
La beauté de ce livre est de découvrir des ouvrages connus chez des auteurs inconnus, ou, tout au contraire, des livres inconnus chez des auteurs connus (Pierre Assouline, David Foenkinos et Philippe Besson…). En ce qui me concerne, près de la moitié des auteurs, comme des livres choisis, m’était inconnue (l’autre moitié m’était donc connue). Et c’est dans l’inconnu que j’ai trouvé mon plaisir. Je vous en souhaite autant.