Semaine du 2 mars – Il est urgent de lire

Collectif, Libertés malmenées, Leméac, 32,95$

C’est arrivé à l’automne 2020; cela aurait pu n’être qu’un autre petit fait divers, un simple malentendu ou un petit différend, mais en réalité, il s’agissait d’une nouvelle révolution québécoise (ou une contre-révolution?), née à Ottawa : je veux parler du tristement célèbre épisode Verushka Lieutenant-Duval, du nom de cette professeure suspendue pour avoir prononcé un mot aujourd’hui imprononçable.

Cet épisode a engendré au moins deux changements qui sont autant de nouveautés linguistiques et éthiques : la première est l’apparition d’un nouveau mot qui est : « Le mot commençant par N »; la seconde est un nouveau paradigme qui fait passer des actes autrefois associés à l’obscurantisme, à l’Inquisition ou au nazisme, soit la censure et les autodafés, vers des actions et discours associés au progressisme et à la pensée « éveillée » (woke). C’est cela que j’appelle une révolution qui a des airs de contre-révolution. 

Merci aux éditions Leméac de publier cet ouvrage collectif où ils sont nombreux à nous rappeler que l’actualité ne doit pas nous faire oublier ce qui aurait pu n’être qu’un simple fait divers… C’est aussi la fonction de l’écrit d’être un acte de mémoire qui peut parfois être un acte de résistance.

 

 

 

Philippe Muray, L’Empire du bien, Belles Lettres, 14,95$

Le sous-titre de cet ouvrage est : « Il est urgent de le saboter ». Le titre que j’ai choisi pour évoquer Philippe Muray est : « Il est urgent de lire Muray ».

Mort en 2006, cet auteur demeure essentiel pour comprendre la folie du monde dans lequel nous sommes (hélas) immergés.  Tout est à lire de lui, mais de grâce, si vous ne connaissez pas cet auteur, n’allez surtout pas lire la page Wikipédia qui lui est consacrée. Philippe Muray ne se limite pas à quelques jeux de mots et calembours (« L’envie du pénal » et « Les Mutins de Panurge » sont de belles trouvailles, mais sa pensée va bien au-delà).

Dans la foulée de l’ouvrage précédent (Libertés malmenées), il est et demeure l’auteur qui aura le mieux perçu les dérives que nous vivons actuellement – des crises sanitaires aux délires identitaires. L’Empire du bien est un excellent pamphlet écrit au vitriol et qui, je l’espère, vous fera rire s’il ne vous fera grincer des dents.

Pour un meilleur aperçu de sa pensée, je ne saurais trop vous recommander son œuvre maîtresse qui fonde la suite de ses « Exorcismes spirituels », soit Le XIXe siècle à travers les âges; un autre excellent exemple qui nous fait comprendre que les siècles ne connaissent intrinsèquement aucune chronologie. Ici, vous constaterez que Baudelaire s’opposera toujours à Hugo, et que le socialisme et l’occultisme sont peut-être les deux revers de la même médaille.

Attention : lire Muray ne relève pas d’une lecture sociologique, politique ou historique, mais tout ça à la fois et plus encore, car son point de vue demeure strictement littéraire. La littérature est au cœur de sa pensée comme de son écriture – évidemment, car l’un ne va pas sans l’autre. Voilà un écrivain du XXe siècle essentiel pour comprendre notre XXIe siècle.

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