Livre La nef des fous

Michel Onfray, La nef des fous, Éditions Bouquins, 29,95 $

Michel Onfray, l’homme qui écrit plus vite que son ombre (déjà 115 livres au compteur, et le rythme de parution ne semble pas baisser), le Lucky Luke des intellectuels français, le grand justicier solitaire, le Houellebecq de la philosophie française qui compte autant d’admirateurs que de fervents adversaires (dont un bon nombre de gens que j’aime et admire) qui se font un plaisir de l’écorcher à tout venant; Michel Onfray dérange et il faut lui reconnaître cette qualité rare et si précieuse quant à moi : là où il passe, il laisse toujours des petites bombes.

On pourra lui reprocher ses emportées donquichottesques, son discours un brin populiste, ses envolées messianiques, quelques touchantes naïvetés, ça et là, mais on ne pourra jamais lui reprocher ce courage qui consiste à relever la tête quand tous se l’enfoncent dans le sable; on ne pourra lui reprocher de se saisir de tous les sujets, et de les considérer aux yeux de la raison simple, à la lumière d’une lucidité qui ne cherche pas la reconnaissance des uns ou la satisfaction de soi – seulement le plaisir de faire avancer la réflexion.

On lira donc avec, je l’espère, autant de plaisir que j’y ai pris, son ouvrage La nef des fous (dont une suite est imminente) et qui est la somme de ses commentaires glanés au fil de l’actualité, presque au jour le jour, de l’année 2020. La nef des fous est un grand bêtisier de l’actualité où se retrouvent pêle-mêle, tous les combats et toutes les actions « positives » comme le mariage d’un culturiste avec sa poupée gonflable, un sportif aussi millionnaire que populaire qui organise une petite fête privée à un million de dollars, un Reader’s Digest musical des grands opéras du passé pour les rendre accessible au jeune public, l’idée d’accorder de facto, pour contrer les effets néfastes du confinement, la note de passage à tous les étudiants ou encore, profiter du confinement pour réfléchir vraiment (c’est moi qui souligne) à l’autofellation, et 360 autres petites perles du même acabit…

Onfray égratigne les bien-pensants et les peoples (autant qu’il est lui-même égratigné par ces derniers), mais pour ma part, je me réjouis de pouvoir lire une plume aussi libre et qui ne craint pas d’être à contre-courant. Régulièrement attaqué par la droite et la gauche en particulier et donc par tous en général, ce paria nous invite à considérer le bien-fondé de cette idée aussi simple qu’élémentaire : avant de critiquer quelqu’un pour ses écrits, il convient de le lire.

 

Livre Libérer la culotteLibérer la culotte, ouvrage collectif sous la direction de Geneviève Morand et Natalie-Ann Roy, Éditions du remue-ménage, 24,95 $

 

Après Libérer la colère, les codirectrices Geneviève Morand et Natalie-Ann Roy poursuivent leur relecture des sept péchés capitaux dans une perspective résolument féministe. Libérer la culotte s’attaque cette fois à la luxure, c’est-à-dire au sexe, et libère la parole en compagnie d’une trentaine de femmes (de tous les horizons et des plus connues aux moins connues) qui partagent donc avec nous leurs réflexions et émotions autour de la question sexuelle, de l’extime à l’intime.

C’est un ouvrage comme on aurait pu en lire dans les années 1970, au moment précisément de ce que l’on a appelé la révolution sexuelle. Et c’est précisément de là où partent nos deux codirectrices : qu’a-t-on vraiment révolutionné depuis tout ce temps? Qu’est-ce qui a vraiment changé quand on n’a pas simplement répété ce qu’on combattait? Comment se fait-il qu’entre les hommes et les femmes, le « fossé orgasmique soit toujours aussi profond »? Elles ont brûlé, il y a cinquante ans, leur soutien-gorge; il est grand temps aujourd’hui de brûler les culottes. C’est l’image qui anime cet ouvrage.

Le livre commence rudement (pour l’homme que je suis) par ce terrible constat qui nous apprend que les femmes en général atteignent moins facilement l’orgasme avec leur partenaire masculin que sous l’effet de la masturbation solitaire ou avec leur conjointe.

« Si dans Libérer la colère nous disions être des féministes frustré·e·s, écrivent les codirectrices Geneviève Morand et Natalie-Ann Roy, nous constatons dans Libérer la culotte que nous sommes aussi mal baisé·e·s. ». Et si, ajouterais-je, le regard masculin pèse si lourdement sur l’inhibition sexuelle des femmes, peut-être conviendrait-il de changer ce regard? Ce livre nous fait entendre à travers ce collectif de femmes, une parole plurielle qui dit bien que notre sexualité n’est jamais la même (homo) ou binaire (hétéro) et qu’elle devrait plutôt se définir par la nature même du sujet désirant (et non de l’objet désiré) qui lui est toujours unique comme est unique notre empreinte digitale.  

Un livre à lire pour ceux et celles qui aimeraient partager leur sexualité avec les femmes.