Semaine du 16 mars – Des histoires de gars
Frédéric Beigbeder, Un barrage contre l’Atlantique, Grasset, 32,95$
Voici un auteur dont je n’hésiterais pas à dire qu’il doit compter plus de détracteurs que d’admirateurs. Satisfait, un brin narcissique, parfois provocateur, l’auteur compte parmi les « people du night life parisien » (anglicisme de rigueur dans la France des branchés). Voilà bien des raisons de le détester. Seulement voilà : Frédéric Beigbeder est, au-delà du personnage public, un écrivain. C’est-à-dire quelqu’un qui sait lire et écrire. Il est, de mon point de vue, l’un des meilleurs critiques littéraires qui sévit actuellement et l’un des lecteurs les plus intelligents et sensibles.
C’est précisément cette sensibilité et cette intelligence qui nous sont offerts dans son dernier livre au titre énigmatique (et mauvais), Un barrage contre l’Atlantique. Décousu, faisant fi des structures du roman ou de l’essai, voire de l’autobiographie, car de son propre aveu, ce livre est une suite autobiographique à Un roman français (2009). Les deux premiers tiers du livre sont constitués de phrases, plus ou moins reliées, mais pas toujours. Désinvolte, impertinent, libre, grave et drôle, l’ouvrage ressasse souvenirs d’enfance et réflexions littéraires, sans autre souci que le bon plaisir de son auteur. J’aime.
Akim Gagnon, Le cigare au bord des lèvres, La Mèche, 26.95$
« Dans Le cigare au bord des lèvres, Akim Gagnon cherche l’amour, l’ivresse, l’argent ou une toilette publique avec la même urgence ». Ce n’est toujours le cas, mais cette fois-ci, la quatrième de couverture résume avec justesse le ton et le contenu du livre. Un brin vulgaire, parfois même plutôt scatologique, Akim Gagnon parvient quand même à nous toucher avec sa franchise et son honnêteté aussi déconcertantes que vraies.
À défaut d’être très travaillée, la prose est toujours inspirée. Il y a du Bukowski chez ce jeune trentenaire – et pour ma part, c’est un grand compliment. De nombreux passages suscitent une grande émotion, mais, quant à moi, ce sont les passages où son père est impliqué qui ont presque réussi à me tirer les larmes des yeux. Un (presque) premier roman qui laisse espérer la suite.
Michel Giguère, Michel Rabagliati, Paul – Entretiens, la Pastèque, 49.95$
Qu’il se retrouve en appartement, à Québec ou en travail d’été, Paul est un personnage infiniment attachant et, comme Tintin, on ne veut manquer aucune de ses aventures. Sans être à proprement parler un précurseur, Michel Rabagliati est probablement l’auteur qui aura donné ses lettres de noblesse à la bande dessinée québécoise.
Ce recueil d’entretiens menés par Michel Giguère nous invite à pénétrer dans les coulisses du créateur; c’est un plongeon dans l’univers plus intime encore que ce que chaque recueil nous offre. Cet ouvrage à quatre mains est le véritable fruit des deux personnalités et ne jure nullement dans l’œuvre de Rabagliati, qui se dévoile tout aussi généreusement que dans ses albums. Il suit ce que je considère encore comme son chef-d’œuvre (Paul à la maison) et cette suite chronologique qui n’en est pas, n’est pas moins excitante. Le premier effet a été de me faire relire l’intégralité des Paul. Du pur bonheur!